RESPONSABLE DE LA SECTION

 

Agnès HIMEUR


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PRESENTATION DE LA SECTION HISTOIRE DE LEON
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Cet article a été publié dans le bulletin n°29, année 2019, de l'association Mémoire en Marensin. Il est reproduit ici avec l'aimable autorisation de son président.

 

 

 

                                   FRAGMENTS DE L'HISTOIRE DE LEON

 

 

 

L'histoire du village de Léon, en Marensin, est très peu connue. Quelques notations dans des ouvrages généraux, un ou deux articles, beaucoup de suppositions, constituent des traces que nous avons explorées au même titre que les archives conservées aux Archives Départementales  des Landes ou à la Mairie. Ces sources ont été heureusement complétées par un fond d'archives privées, provenant essentiellement des curés de Léon, mis à notre disposition en attendant son versement aux archives départementales, effectué en mai 2018.

 

L'ambition de notre démarche est de remonter aux origines de l'établissement humain qui, petit à petit, a créé notre village. L'étang en recèle peut-être le secret, mais seules des fouilles archéologiques pourraient confirmer ou infirmer cette hypothèse.

 

 

 

La question initiale de notre recherche était: «d'où vient ce toponyme de Léon, unique en France?». Les plus anciennes archives disponibles donnent diverses versions de sa graphie, indices de son origine.

 

 

 

I. Le toponyme de Léon

 

 

 

 Dans un recueil d'actes épiscopaux, datant des XI°-XII° siècle, le toponyme de la commune est écrit une fois sous la forme Laon, sans doute par rapprochement avec la ville éponyme, cité royale et épiscopale bien connue au XII°siècle mais sans rapport avec Léon, sauf sous la plume d'un copiste médiéval ignorant. A une autre page, un autre copiste écrivit «Léon»[1], graphie toujours d'actualité.Mais, sur les cartes géographiques du XVII°, on observe les deux toponymes long,et lon. Ces graphies reflétaient sûrement la prononciation locale, car les cartographes de cette époque commençaient à enquêter sur le terrain, contrairement à leurs prédécesseurs. En effet, Léon se prononce lon en langue occitane. Si on se réfère aux dictionnaires de langues occitanes, le mot lonc ou long en gascon peut signifier tout simplement «long» ou «le long de la voie...»[2] . Cette transcription phonétique se retrouve dans un acte notarié pour les habitants de la paroisse en  1645. Elle voisine pourtant dans la même phrase avec la graphie «Léon». Le nom des villages n'était pas fixé et le premier travail approfondi sur la toponymie fut fait par Cassini pour dresser une carte détaillée de la France à la demande de Louis XV. Les habitants, surtout les seigneurs ou les curés, étaient la principale source d'information des ingénieurs sur le terrain. La feuille de Léon, fut établie entre 1773 et 1784. Le toponyme y est transcrit Léon, ainsi que l'écrivait le curé de la paroisse à cette époque, un érudit qui laissa de nombreuses archives. A partir de là, le toponyme est fixé comme il était dès le XII°siècle.

 

 

 

L'origine du nom de la commune est probablement latine, selon Bénédicte Boyrie-Fénié, dans son Dictionnaire toponymique des communes des Landes et du Bas Addour. La prononciation gasconne aurait déformé le surnom latin Longus, employé seul pour désigner un individu de haute taille. «Situé sur le vieil itinéraire côtier menant vers les Espagnes, Léon est un toponyme logiquement antique». De fait, au début de notre ère, entre le I° et le III° siècle, les surnoms romains deviennent souvent des noms de famille. Une autre origine latine est possible, le surnom latin Léo. Il désignait, à l'époque classique, quelqu'un qui prend la part du lion dans une société [3], et dans l'Antiquité tardive (milieu III°-fin V° siècle), il devient aussi un nom de famille. Cette chronologie des toponymes indique une implantation romaine dans les cinq premiers siècles de notre ère .

 

De fait, César avait conquis l'Aquitaine en 56 av.JC. Elle fut divisée en trois provinces au IIIème siècle de notre ère, la plus importante étant la Novempopulania englobant la Gascogne et le Pays Basque au sud. Les Romains y créèrent de nombreuses villes et en organisèrent d'autres dont Aqua Tarbellica (nom romain de Dax). Entre le I° et le IV° siècle de notre ère, « elle devient capitale d'un vaste territoire allant à peu près de l'Océan aux Pyrénées, et aux rives de l'Adour ». Les campagnes furent largement exploitées pour approvisionner les cités en produits et denrées essentielles à leur économie, comme le liège ou la résine dont on sait que le territoire du Marensin et de la frange côtière des Landes a toujours été bien pourvu.[4]

 

 

 

Par ailleurs, « les Romains, lors de la réalisation du Cadastre des Gaules, commencé en l'an VII sur les ordres de l'empereur Auguste, désignèrent les immenses propriétés foncières qui couvraient la plus grande partie de notre pays du nom du propriétaire[...]auquel était adjoint soit le suffixe celto-latin acus, ou plus purement latin anus [décliné anum] »[5] La prononciation gasconne pouvait avaler la déclinaison latine de Leonanum, ou de Longanum. Les domaines de Longus (ou de Leone) pouvaient approvisionner Aqua Tarbellica (Dax), cité distante de Léon d'une trentaine de kilomètres, soit un ou deux jours seulement de voyage. De plus la voie commerciale et stratégique qui reliait Bordeaux à Dax du temps de l'empire romain passait à quelques kilomètres de Léon. 

 

 

 

Au XIX° siècle, des témoignages locaux firent état, d'un « chemin romain », dit camin roumiou en gascon, qui passerait à travers l'actuel étang, gisement d'armes antiques, vestiges romains au village voisin d'Escalus...[6] Encore une fois, les archéologues devront vérifier.

 

Cette époque sort donc du champ de nos compétences. Mais nous pouvons explorer ce qui est sous nos yeux et dans les archives.

 

 

 

Les monuments emblématiques de tout village sont le château et l'église, symboliques sous l'Ancien Régime du pouvoir temporel et du pouvoir ecclésiastique.

 

Si les seigneurs de Léon, famille éponyme du lieux, ou les seigneurs d'Oro sont attestés dans les archives [7], la localisation de leurs demeures reste à trouver.

 

L'église, par contre, est toujours là, bâtie sur un monticule naturel, une concrétion dunaire d'un ensemble de dunes datées du quaternaire.

 

 

 

C'est donc par l'église, pour cet article, que nous commencerons notre approche de l'histoire de Léon. Dans le paysage rural, ce monument indiquait bien sûr le village mais plus encore une communauté de chrétiens devenue paroisse. Les archives ecclésiastiques en montrent un aspect particulier.

 

 

 

II. La paroisse et l'église

 

 

 

II.1 La paroisse de Léon et la fiscalité ecclésiastique

 

Une trace écrite de Léon en tant que paroisse existe entre le XI° et le XII° siècle. Elle dépendait, depuis au moins cette époque, de l'évêché de Dax. Le Livre Rouge (Liber Rubeus), est un recueil d'actes juridiques (ou chartes) régissant la cathédrale de Dax et son administration du diocèse. Il fait partie de ces documents, rares dans les Landes, qui permettent de remonter au plus près de la création des communautés [8].

 

L'acte n°174 donne la longue liste des églises administrées par l'évêché de Dax à la fin du XII°siècle. Celle de Léon porte le patronyme de Saint Saturnin, dédicace toujours actuelle malgré un amalgame récent avec le saint patron du village [9].

 

L'acte n°157 donne la liste des églises devant verser différents impôts ecclésiastiques. Cette liste est divisée en trois catégories : les églises qui versent le quart (la quarte) de la dîme à l'évêque, celles qui la versent « par moitié » pour l'entretien de la cathédrale et celles qui la versent aussi par moitié pour l'entretien des chanoines. Les églises qui versent la quarte entière à l'évêque ne sont qu'au nombre de quatre : Sainte Marie de Laurède en Chalosse, saint Lon in Avorta (saint Lon Les Mines), saint Martin de Taller et saint Saturnin de Léon. Ceci semble être un honneur car elles sont citées avant celles qui versent les trois autres quart et qui sont beaucoup plus nombreuses.  Point commun de ces églises, le chemin du pélérinage de saint Jacques de Compostelle, développé au XII°siècle. Elles se situent soit le long de la voie littorale (ou chemin de Soulac) comme saint Saturnin de Léon, soit proches des deux voies comme Laurède et saint Lon les Mines ou sur la voie Turonensis comme Taller. L'influence de la fréquentation de ces voies sur le développement des agglomérations rurales [10] est une piste de recherche pour déterminer l'importance de Léon aux XI° et XII° siècle, déjà dotée d'une église et non d'une chapelle. Nous ne savons pas quand elle devient paroisse à part entière, c'est à dire avec des fonts baptismaux et un cimetière.  Mais comme les curés percevaient des émoluments pour délivrer les sacrements dont une partie alimentait l'impôt versé à l'évêque, il est probable que saint Saturnin acquit ce statut au XII°siècle.

 

A cette époque, Léon faisait partie de l'immense diocèse de Dax divisé en quatre très vastes archidiaconés, circonscriptions crées pour percevoir les impôts ecclésiastiques.[11] 

 

 

 

A la fin du XIII° siècle, l'administration ecclésiastique s'aperçoit qu'il est bien difficile de suivre l'imposition de ces territoires trop étendus. A Dax, l'évêque Arnaud de Ville (1278-1305) initia «une réforme de grandes portée pour l'administration du diocèse» [12] ,  la création des archiprêtrés,  circonscriptions administratives plus petites mais toujours dépendantes de l'évêché. Ces circonscriptions divisaient les diocèses primitifs, trop étendus, en unités plus petites qui permettaient une meilleure gestion aussi bien des dîmes (pouvoir temporel) que des paroissiens (pouvoir spirituel).Celui du Marensin, parmi les premiers crées, est cité dans une constitution synodale de 1328. Les archiprêtres devaient résider dans le chef-lieu d'archiprêtré. On verra que cette obligation sera oubliée au fil des siècles. L'archiprêtre gérait entre douze et quinze paroisses tenues par des vicaires. Le diocèse de Dax fut divisé en dix-sept archiprêtrés qui furent désignés, pour certains, par le nom du pays dans lequel il s'inscrivait. C'est le cas du Marensin, territoire assez vaste, riche en forêts et en cours d'eau. On ne sait pas, à cette époque quelle paroisse en était le chef-lieu. Les confins ouest de l'archiprêtré sont bornés par l'océan, la limite sud s'arrête aux rives de l'étang de Soustons, la limite est englobe Taller et remonte en biais vers la limite nord avec le pays de Born, le long du ruisseau du Vignac.

 

Au XIV°s, l'archiprêtré du Marensin est mentionné dans les comptes de l'évêque de Dax, Jean Bauffrès pour les années 1375-1376 [13]. Il fait partie des douze archiprêtrés qui doivent l'impôt pour financer le train de vie de cet évêque, haut dignitaire de l'Eglise. Toutefois, l'archiprêtré du Marensin est peu imposé par rapport aux autres archiprêtrés. La cause en est peut-être à chercher du côté d’événements naturels ou sociaux à cette période ou du côté de l'économie d'un territoire aux ressources naturelles peu ou mal exploitées.

 

On notera  que la notion d'enrichissement de la population grâce aux forêts de Léon et à ses produits n'apparaît qu'au XVIII° siècle dans les archives ecclésiastiques de la paroisse.

 

 

 

En 1527, on retrouve cette même faiblesse de l'impôt mais uniquement pour l'organisme gestionnaire des bâtiments de l'église de Léon, la fabrique. Elle devait la décime au roi, comme toutes les paroisses de France en cette époque troublée. Cette taxe, en principe exceptionnelle, était collectée par les évêques qui la rétrocédait au roi en en gardant un pourcentage. Le diocèse de Dax établissait des rôles d'imposition par archiprêtrés. La paroisse de Léon est citée en tête des paroisses imposées pour le Marensin, ce qui laisse supposer qu'au début du XVI° siècle, elle est chef-lieu d'archiprêtré [14]. Cette qualité n'est confirmée qu'en 1776 par une note de l'abbé Lanusse, découverte dans le fonds des archives paroissiales. Mais depuis quand l'était-elle?...

 

Le rôle de l'impôt de 1527 indique les sommes dues, paroisse par paroisse, c'est à dire, pour le Marensin, les paroisses de Léon, Messanges, Linxe, Saint Michel Escalus, Moliets, Saint Girons, Lit et Taller. Chacune est plus imposée que la « fabrique de Lon » et ses diacres et sous-diacres. Faveur royale envers la fabrique ou reflet d'une situation défavorable pour  Léon?

 

Les archiprêtrés seront les mêmes jusqu'en 1789, le paysage ecclésiastique étant figé depuis 1561 date du colloque de Poissy où, pour la première fois, toute la hiérarchie de l'Eglise de France s'assembla pour régler les rapports financiers entre l'Eglise et le Roi à la veille de la première guerre de religion. Le «don gratuit», ou décime, fait par les prélats au roi comme en 1527, devient obligatoire pour les catholiques de France afin de contrer les protestants. Tous les échelons de la hiérarchie ecclésiastique sont sollicités... et le seront jusqu'en 1789.

 

 

 

II.2 Le paysage judiciaire du Marensin et les «baῆis» de Léon

 

 

 

Sous l'Ancien Régime, le paysage ecclésiastique et le paysage judiciaire et politique se confondent souvent du fait du concept de monarchie de droit divin. Mais ils ne se superposent pas exactement, loin s'en faut pour le Marensin.

 

La commune de Léon faisait partie de la division judiciaire d'Albret appelée «sénéchaussée» dont le siège était à Tartas. Cette sénéchaussée était divisée en six circonscriptions civiles dont le Marensin. Il était beaucoup plus étendu que l'archiprêtré puisqu'il incluait cinq communes de plus, Castets, Vieux Boucau, Linxe, Azur et Vielle[15]. Les conflits étaient jugés au siège de Tartas d'après la coutume d'Acqs (Dax) et de Tartas. Les Coutumes, différentes dans chaque sénéchaussée, réglaient la vie civile, multiples ancêtres de notre Code Civil unique. Les affaires pouvaient même remonter jusqu'au Parlement de Bordeaux qui émettait des arrêtés au nom du roi, ayant force de loi. Nous en avons la trace dans les archives paroissiales. Ainsi, le 15 juin 1681, un arrêt du Parlement de Bordeaux condamne les habitants de Léon à payer, à l'église, un impôt en céréales (la quinte). Car la domination de l'Eglise de France a des limites depuis le Concordat de Bologne ratifié par François 1° en 1516. Le Roi prend le pas sur l'évêque dans bien des cas.

 

Les léonnais surent profiter de cette ambigüité des pouvoirs dans leurs conflits avec les curés de la paroisse.

 

Entre 1595 et 1675, ils portent plainte à plusieurs reprises contre leurs curés qui sont très souvent absents de la paroisse. Pour cela, ils appellent un notaire royal afin qu'il rédige leurs griefs en bonne et due forme. Les habitants font ressortir qu'ils paient, par leurs impôts ecclésiastiques, les services du curé mais aussi ceux des diacres qui doivent le remplacer. Pour être entendus, ils refusèrent de payer la tierce à la cathédrale de Dax en 1651 et en 1684. En effet, à cette époque, les curés furent tous des chanoines de l'évêché de Dax, où ils résidaient le plus souvent. Les chanoines provenaient en grande partie de la noblesse et, suite à de solides études, ils consacraient leurs nombreux loisirs à la recherche et à l'érudition. Leur charge, au sein de l'évêché était légère, n'étant astreints qu'à la prière à heure fixe mais pas au ministère des âmes [16]. Leur subsistance était ainsi assurée mais ils pouvaient recevoir, en plus, de l'évêque, la charge d'une paroisse, charge pour laquelle ils percevaient d'autres émoluments.

 

De 1635 à 1650, François de Forsans est curé de Léon[17]. Il est chanoine et docteur en théologie. Léon eut, ainsi, une suite de curés-chanoines illustres...mais absents. Barthélémy de Labèque, né, résidant et enterré à Léon semble être le premier curé , entre 1691 et 1724, issu des idées de la Réforme catholique, commencée au XVI° siècle, qui voulait faire la chasse à l'absentéisme des curés[18].

 

Monsieur de Forsans, lui, ne venait jamais dans sa paroisse, les actes de baptême, de décès et de mariage en témoignent; ils sont signés par son vicaire François de Lacorne.

 

Le 24 décembre 1645, monsieur de Forsans n'est pas venu célébrer la messe de Noël! Les habitants de Léon se réunissent. Ils appellent un notaire royal, une fois de plus ! Il dresse le procès-verbal de cette absence. L'indignation des léonnais est à son comble car ils n'ont pas vu, non plus, apparaître diacre ou sous-diacre censé le remplacer. La plainte est récurrente, on l' a vu. Mais, cette année-là, elle est amplifiée par un nouveau groupe social, les «bannis». Le procès-verbal relate que le service de la messe de Noël fut retardé «comme fut aussi celui des bais». Le résumé de l'affaire est écrit au dos du document, ainsi que les notaires avaient l'habitude de le pratiquer: «acte fait pour les bais de Lon à Labèque, notaire du syndic dudit Léon».ill.1

 

Qui sont ces bannis, habitants de Léon?

 

 

 

En 1645, le contexte politique est celui du prolongement des guerres de religion avec la « reconquête catholique » des villes protestantes entre 1600 et 1660. Les protestants étaient fortement implantés dans le sud-ouest et notamment dans le duché d'Albret. Dans les années 1560, Jeanne d'Albret, duchesse d'Albret, reine de Navarre, convertie à la doctrine calviniste du protestantisme, mère du futur Henri IV, refusa de joindre ses possessions à la couronne de France et incita ses sujets à la conversion et à la résistance. Le pouvoir royal, catholique de doit divin, décide alors de leur mener une guerre sans merci.

 

Le Béarn doit être reconquis. Le roi emploie la force. La guerre se propage en Gascogne. Entre septembre 1564 et août 1570, les villes de Saint-Sever et de Mont de Marsan sont prises par les protestants et reprises par les catholiques, chaque faction massacrant les populations pour parvenir à ses fins. Les troupes ravagent les campagnes pour se ravitailler en blé et en bétail. Les églises sont dégradées, certaines détruites. Dax, qui avait été épargnée par les combats tenus plus au nord, sert de garnison aux troupes catholiques, commandées par le maréchal de Montluc. en juin 1570, 

 

Le déplacement des populations étant un dommage collatéral de tous les conflits, certains territoires se vident au profit d'autres plus accueillants.

 

La population de certaines paroisses du Born et du Marensin est nettement plus importante à l'issue des Guerres de religion, qu'un siècle plus tard ainsi que le note un curé dans ses archives. En 1650, Léon compte 2056 habitants, contre 1105 en 1750, Castets compte 1442 habitants contre 823. La diminution des populations constatée au début du XVIII°siècle s'explique parfaitement par les calamités naturelles et le dépérissement de l'économie à la fin du règne de Louis XIV en 1715. Cette baisse de la démographie est générale dans tout le royaume. Mais pourquoi une population aussi importante, au milieu du XVII°siècle, dans ce petit pays de forêts, d'eaux et de villages disséminés ? Est-ce l'apport de « réfugiés » confessionnels ?

 

Magescq, à la lisière du Marensin, subit aussi des dommages dans cette guerre aveugle. Le sieur de Caunègre, seigneur du lieu se plaint que «par le malheur des guerres civiles», leur maison «fut démolie, pillée, saccagée, même les tours d'icelle abattues» par le baron de Magescq, fils du maréchal du roi, Blaise de Montluc [19]. Pourquoi ce coup de force qui ressemble à une vengeance ? Où la famille de Caunègre trouva-t-elle la paix? Cet épisode montre que la guerre est à quelques kilomètres de Léon.

 

 

 

Le 24 août 1572, le roi ordonna l'assassinat des chefs protestants à Paris. La population catholique se livra au massacre des protestants sans discernement. Dax, aussi, paie son tribut à la violence civile comme toutes les villes du pays.

 

 

 

En 1598, Henri de Navarre, devenu roi de France, accorde des droits civils et politiques aux protestants de certaines villes, notamment en Béarn et en Gascogne.

 

Cette faveur royale est porteuse de conflits à venir pour ses successeurs qui n'auront de cesse d'y rétablir la foi catholique par des méthodes contestables tout au long du XVII°siècle. Soit les catholiques organisaient des séances de discussion publique, ou controverses, avec les protestants pour les persuader de leur erreur, soit une Compagnie de propagation de la foi obtenait des conversions personnelles en usant de persuasion financière et en assurant la  sécurité des nouveaux convertis, bannis de leur communauté d'origine.

 

Cette reconquête toucha toutes les régions du Royaume. Par exemple, dans le nord de la France, le bourg abbatial de Rumegies avait le privilège d'accueillir les bannis en attente d'une grâce royale. La paroisse de Léon avait peut-être cette charge particulière. Les archives ne sont pas explicites sur la présence des protestants dans le Marensin. Mais à Castets, on a la trace d'une controverse entre catholiques et protestants au XVII°siècle, ce qui révèle une communauté protestante. [20]

 

Les «bannis», habitants de Léon, étaient-ils de nouveaux convertis? Ces bannis semblent admis par la population mais néanmoins soumis à un régime particulier puisque le texte de la plainte des habitants sous-entend qu'il devait y avoir deux messes de Noël différentes: « le service [fut retardé] comme fut aussi celui des bannis»ill.2.

 

En 1784, ce même terme de «bannis» est utilisé par le curé de Léon, Bertrand Lanusse, dans une de ses notes juridiques. Il y relate un conflit de pêche dans l'étang qui oppose, depuis un demi-siècle, les habitants du Marensin, dont ceux de Léon, au comte de Marcellus et au marquis de Pontonx au nom du droit de perprise. C'est un droit coutumier ancien qui, dans la Coutume d'Acqs au XVIII° siècle «signifie aujourd'hui, prendre de sa propre autorité des terres communes pour les cultiver» et «le droit de perprise n'a lieu, dans chaque communauté, qu'entre les habitants, de la communauté; les étrangers en sont exclus». L'affaire du Marensin est jugée à la Table de Marbre (les Eaux et Forêts) du Parlement de Bordeaux en faveur des pêcheurs. Le curé Lanusse rapporte la dernière sentence royale émise le 11 juillet 1766. Pour ce curé féru de droit, c'est un conflit avec «les bannis du Marensin» ainsi qu'il le spécifie en marge de son analyse.ill.3

 

Notre recherche sur ce sujet est partielle car il nous manque encore le texte original de la sentence de 1766. Mais, deux interprétations sont possibles sur l'identité de ces «bannis». Les bannis cités en 1784 sont les descendants de ceux qui sont cités en 1645 et qui auraient formés un groupe social distinct, étranger à la communauté villageoise de base. Ou bien le curé Lanusse entend par ce terme les habitants qui se révoltèrent contre les droits seigneuriaux et qui, par là même, se mirent à l'écart de la communauté, en contravention avec le «ban» du seigneur  c'est à dire sa justice[21].. Dans ce cas, pourquoi le curé Lanusse apporte-t-il cette précision qui va de soi, vu les antagonistes?  

 

Faut-il rapprocher ce groupe social particulier avec la teneur d'une missive de 1806, écrite par le contrôleur des brigades de la douane de Saint Jean de Luz? Celui-ci, excédé par l'inconduite de ses subordonnés pourrait envisager, pour eux, «la punition du Marrancin»[22].

 

Le pays du Marensin aurait-il été, pendant des siècles, une terre d'asile ou d'exil selon les cas? 

 

 

 

III. L'église Saint Saturnin du XIV° au XX° siècle

 

 

 

Qu'en est-il du bâtiment de l'église au cours de ces sept siècles ?

 

L'église a été frappée par la foudre en mars 1900. Elle aurait pu être restaurée mais elle fut démolie et reconstruite. Nous verrons comment quelques pages plus loin.

 

Nous nous attacherons d'abord à retrouver les traces historiques et l'aspect de l'architecture ancienne.

 

Il n'y a aucune sources d'archives ni de traces archéologiques connues entre le XII° et le XIV° siècle. Entre le XIV° et le début du XX° siècle, l'architecture se laisse deviner à travers des descriptions et des dessins.

 

Au XIX° siècle, l'abbé Légé en donne une brève description dans ses notes qu'il est convenu d'appeler « Manuscrit de l'abbé Légé »[23]. L'abbé Légé, curé de Linxe de 1859 à 1867 amassa des notes historiques sur le Marensin à cette époque. Décrivant l'église de Léon, il constate n'avoir « devant soi qu'une église sans style, sans dignité architecturale, petite et insuffisante pour la population ». Il lui semble ne rien voir de remarquable dans cette église, sauf le « portail roman » -d'après lui- plutôt bien conservé mais « renfermé dans une tour carrée de manière aussi originale que peu gracieuse ». Le mauvais état de l'église le frappe tout de même car il écrit; «Toute la partie de la nef depuis le chevet jusqu'à une distance de quatre ou cinq mètres du portail nous semble avoir été renversé et rajusté tant bien que mal avec ce qui restait encore ».

 

 

 

D'ailleurs en 1899, l'abbé Desquerre, curé de Léon entre 1887 et 1927, voudrait reconstruire l'église. L'intérêt de son projet réside dans le dessin qu'en a fait l'architecte en à ce moment. Il montre le clocher tel qu'il était à cette époque, avec une base carrée massive en pierre et un clocher à bulbe. Le portail n'est pas visible sur le dessin car, comme l'écrivait l'abbé Léger, il est protégé par une sorte d'avant-porche voir ill.4. Mais le curé Desquerre fait  une remarque importante sur ce portail dans sa correspondance avec l'évêque [24]. Il lui signale « un portail d'entrée du XIV°siècle et d'autres éléments des XVI°et XVII° siècle». On ne peut douter de la compétence de ce curé, conseillé par un architecte réputé dont nous reparlerons. Le portail d'entrée du XIV°s, gothique et non roman, ne signifie pas que toute l'église aurait été construite à cette époque. Il était courant, à toutes les époques, d'apporter des éléments nouveaux à une architecture ancienne pour célébrer une nouvelle dignité. Nous connaissons le profil de ce portail car il a été dessiné plus tard en détail, comme nous le verrons plus loin. C'est, en l'état actuel de nos recherches, le seul témoin certain de sa forme et de son décor. L'arc est brisé, encadré de deux piedroits, ornés de trois colonnettes de chaque côté, décor courant du répertoire gothique. L'architecte n' a pas dessiné de « lions » aux pieds des colonnettes, ainsi que le poète léonnais Loys Labèque les auraient vus dans sa jeunesse et décrits dans son Journal Spirituel.  

 

Le curé de Léon tenait à ce que ce portail soit conservé, indice supplémentaire en faveur du choix de Léon comme siège d'archiprêtré au XIV° siècle.

 

 

 

Le bâtiment de l'église semble donc en mauvais état. Effectivement, les archives paroissiales de la  première moitié du XIX° siècle apportent des détails sur les réparations nécessaires. Le curé Bénétrix ouvre un cahier en 1861 pour répondre au souhait d'information de l'évêque de Dax. Il compile pour cela les archives que les curés, nommés après la Révolution, ont laissé. C'est ainsi que nous avons pu connaître la liste détaillée des réparations faites par les curés successifs de 1794 à 1863. 

 

  

 

En 1793, Pierre Miqueu, prêtre constitutionnel, officier public fait l'état des lieux pour le nouveau gouvernement républicain : la nef est « assez bien », le pavé est « bien sous la nef, mal aux bas-côtés, les lambris de la voûte sont « mi-pourris », les vitraux « à réparer en partie ». A l'extérieur,  «  les murs sont à réparer », la toiture « à recouvrir incessamment », ce qui fut fait seulement en 1866, « le clocher tombe en ruine » et « la commune attend l'autorisation du gouvernement pour la vente des biens nationaux destinés à la réparation », « les portes sont bien », le cimetière est « mal fermé » et « le conseil municipal [envisage]de le changer de place [25]. 

 

En 1833, le curé Bertrand Camiade décrit avec tant de persuasion l'état de délabrement de l'église que l'évêque se déplace en personne en 1834. Il ne peut que constater; les moyens manquent. La législation révolutionnaire et post révolutionnaire autorise l'Etat à vendre les églises délabrées. Ou, si les communes y tiennent, à les réparer elles-même. La municipalité de Léon se résout à cette solution. En 1839, elle demande un devis pour refaire la charpente de la nef [26] et réalise les travaux en 1840. En 1849, elle demande un autre devis pour  « exécuter les réparations à faire au clocher », qui, en plus de son état vétuste, a été frappé par la foudre.

 

Quatorze années plus tard, le conseil municipal, lors de sa séance du 8 août 1861, demande un nouveau devis pour la toiture du clocher et les murs de ronde du cimetière. Ces travaux ne seront exécutés qu'en 1873, à la suite de nouveaux dégâts causés par la foudre [27]. Un paratonnerre équipera le clocher. Il faut également contreforter les murs la même année.

 

Le clocher à bulbe, édifié en 1873, inspiré des toitures dites à l'impériale, est identique à ceux des églises de Magescq et de Vieux-Boucau refaits dans les mêmes années. Ici on entend par clocher la partie supérieure qui abrite les cloches. L'architecte-voyer de la ville de Dax, mandaté pour faire le projet, est-il l'auteur de tous les clochers à l'impériale de la région? S'est-il inspiré du couvrement des tours de la cathédrale de Dax? C'est une recherche à faire. Il dessine d'abord un état des lieux du clocher à restaurer qui montre une flèche très simple et assez courte dont « la charpente est en très mauvais état ».

 

Voilà pour les superstructures.

 

Mais l'église est devenue trop petite d'après le curé Camiade (entre 1833 et 1838). Effectivement la population augmente, passant de 931 habitants en 1806 à 1410 en 1831. Mais, surtout, l'église était conçue pour des fidèles debout. Les bancs, dans le chœur, étaient réservés aux nobles. Ce n'est qu'à la fin du XVII°siècle que commenceront à apparaître des bancs dans les nefs. La surface ainsi occupée par fidèle passe d'un demi-mètre carré à environ un mètre carré ou plus selon le type de siège.

 

Le curé Camiade agrandit donc la nef par un collatéral nord, tout à fait visible sur le plan cadastral de 1838 et « le clocher à flèche hardie fut bâti par le sieur Thévenin, maître charpentier ».

 

Le curé Bénétrix, quant à lui n'intervient pas sur l'extérieur mais il achète un orgue grâce à une souscription qu'il lance auprès des fidèles. Il note que le curé Lalanne, dans les années 1832 ne put rien entreprendre pour l'église du fait du conflit qui l'opposait en permanence au maire, monsieur Dassé.

 

L'état de l'église est aussi déplorable à l'intérieur.

 

Dans les années 1820, le curé Laroza «éleva un autel en plâtre sale et informe» et son prédécesseur, l'abbé Miqueu dans les premières années du XIX° siècle, «laissa l'église dans l'état de délabrement où la tourmente l'avait jetée».

 

 

 

La tourmente?

 

Le curé fait là allusion aux journées de la Terreur dans les années 1793-1794. C'est la période la plus sanglante de la Révolution. Maximilien de Robespierre, avocat et juge, est élu député du peuple en 1793. Il entre au Comité de Salut Public qui instaure un gouvernement révolutionnaire et, pour arriver à ses fins, instaure la Terreur en système. Il s'agit d'envoyer partout sur le territoire des commissaires chargés de faire respecter les nouvelles lois révolutionnaires et de lutter contre les suspects, c'est à dire tous ceux qui refusent ces lois. Aucune province n'est à l'abri. Une commission extraordinaire est formée à Dax. Elle y découvre un plan de guerre civile, comme en Vendée, fomentée par les aristocrates de Dax et Saint-Sever. La répression s'abat. Une guillotine est construite à Dax qui la partage avec Saint-Sever, Mont de Marsan et Tartas. De nombreuses exécutions ont lieu. Un défenseur des droits des pêcheurs du Marensin [28], Pierre de Neurisse avocat à Dax, est décapité le 11 avril 1794 accusé de complicité avec les royalistes [29].

 

Le décret sur la liberté des cultes est promulgué le 21 février 1795; son article 7 précise que « aucun signe particulier à un culte ne peut être placé dans un lieu public, ni extérieurement ni de quelques manières que ce soit». Les églises sont fermées au culte de mai 1793 à novembre 1794. A Notre Dame de Paris comme dans la petite paroisse de Heugas ou ailleurs les églises sont dépouillées de leurs ornements, converties en temples de la Raison, en granges ou en salles de réunions.

 

Le département des Landes «donna l'ordre de dresser l'inventaire des ornements d'église et de livrer le tout». Des canons sont fondus avec tout le métal provenant des églises; les Landes en fournissent 467 quintaux. [30]

 

Dans toutes les communes, dans le moindre village, les partisans de la Terreur s'emploient à faire appliquer les lois de la Constitution.

 

Léon, chef-lieu d'archiprêtré sous la royauté, n'est pas épargné.

 

Le curé Bénétrix ouvre son cahier par le récit des événements. Il dit s'être fait raconter les faits par un léonnais qui, sous la Terreur, devait être un enfant mais il n'y a aucune raison de douter de la véracité de cette narration. Si son auteur semble s'être laissé, parfois, emporter par son indignation, la trame du récit n'en n'est pas moins juste [31]. Preuve en est le catalogue des réparations citées plus haut. Néanmoins il est vrai qu'il règle quelques comptes avec certains personnages dont les noms devaient encore être synonymes d'horreur dans l'imaginaire, soixante ans après les faits. Il qualifie un des révolutionnaires de « protestant », reflétant sans doute une crainte populaire héritée des Guerres de Religion. Cet homme, pour obéir aux ordres de la commission révolutionnaire, organise l'abattement de la croix qui surmonte le clocher: «A l'instant on se mit à l’œuvre, la hache prépara un résultat prompt et facile. Des câbles sont jetés autour de la croix et un peu plus bas quatre-vingt bras font des efforts que redouble l'impiété. Bientôt, […] le clocher s'écroule et écrase le portique de sa lourde chute […] Les cloches restèrent intactes, deux des plus belles devinrent la proie de la cupidité […], la troisième vola en éclat sous le marteau révolutionnaire. […] Pour l'église, elle fut dévastée, saccagée. Grâce aux énormes revenus de la fabrique, c'était une des plus riche de la contrée, l'or étincelait partout […], on ne respecte que la chaire […] car tous les mois […] un chirurgien de Castets dont le bagage scientifique était, dit-on, fort léger […] venait haranguer les adorateurs de la déesse Raison».

 

L'église de Léon est donc transformée, elle aussi, en temple de la Raison, le clocher est décapité, le porche abîmé. Statues et tableaux sont «mutilés, brisés, déchirés et on les élève en une immense pyramide » à laquelle on met le feu.

 

 

 

On peut donc attribuer sans hésitation le très mauvais état de l'église du XIX° siècle à la Révolution. Néanmoins, le sol  (en pierre de Bidache, selon l'abbé Légé), abritant les dépouilles mortuaires de plusieurs nobles et curés avec leurs pierres tombales, les murs, la base et le premier étage de la tour du clocher, le porche et son portail sont préservés.

 

Pourtant, en 1899, le curé Desquerre, veut démolir ce bâtiment qui a causé tant de soucis à ses prédécesseurs. L'église aurait sans doute pu être restaurée mais le curé est influencé par « l'air du temps ».

 

 

 

Reconstruire les églises, en démolir certaines, en construire de nouvelles n'est pas un phénomène de mode mais une nécessité. Après la Révolution de nombreux bâtiments sont dans un état alarmant, la carte paroissiale est entièrement révisée par des fusions de paroisses dans les campagnes ou, au contraire, la création de nouvelles paroisses dans les villes qui ne cessent de s'agrandir. «Dans la seule année 1852, ce sont plus de 200 églises qui se trouvent en chantier à travers la France ». Le diocèse de Bordeaux compte 80 églises neuves ou rénovées dans la même période [32]. L'archevêque de Bordeaux Ferdinand Donnet fit parler de lui dans toute la région, et même au-delà, pour sa fièvre architecturale. Il fit travailler de nombreux architectes dont l'architecte bordelais Paul Abadie. Celui-ci est nommé architecte officiel du diocèse de Bordeaux. Puis en 1873, il passe le concours pour le Sacré-Cœur de Montmartre à Paris. Ce concours réunit les plus grands architectes de France.

 

Parmi eux, l'architecte bordelais Jean-Jules Mondet, qui sera l'architecte de la reconstruction de Saint Saturnin de Léon.

 

 

 

Jean-Jules Mondet passe le cap du premier examen du concours parisien mais est éliminé au second. Son projet, décrit par lui-même, caractérise toute son œuvre. Il est partisan d'adopter, pour la construction des nouvelles églises le «style de la transition» [entre le style roman et le style gothique, à la charnière des XII° et XIII°siècle], style qui «nous paraît le plus propre à tous égards» pour un «monument riche, original et pratique». Son œuvre la plus remarquable est l'église du Sacré-Coeur de Bordeaux réalisée entre 1877 et 1903[33]. Auparavant il avait reçu le premier prix du concours général pour la construction de la cathédrale de Buenos Aires. De 1863 à 1886, il est chargé par la commission des Monuments Historiques de Gironde d'effectuer le relevé des églises à restaurer ce qui l'amènera à signer lui même de nombreuses restaurations en Gironde. Architecte de plusieurs nouvelles églises dans les Landes, la critique encense ses œuvres mais remarque surtout son style comme pour l'église Saint Pierre de Quinsac, «une heureuse copie de l'époque de transition» [34]. Le vocabulaire architectural néo-roman, analysé par Eugène Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XI° au XIII° siècle, et appliqué par lui-même dans de nombreuses restaurations, est repris par ses élèves dont Abadie, l'architecte de Bordeaux collègue de Jean-Jules Mondet. Auteur de la chapelle de Gujan-Mestras, près d'Arcachon, celui-ci travaille avec l'entrepreneur arcachonnais Pierre Plantey qui participera aussi à la restauration de l'église de Lit-et-Mixe entre 1896-1899. Cette commune n'étant qu'à une vingtaine de kilomètres de Léon, le curé de Léon connut sans doute Pierre Plantey, collaborateur de Jean-Jules Mondet. Cet architecte renommé était celui qu'il lui fallait pour appuyer sa demande faite à l'évêque de Dax en 1899 . L'architecte livra un avant-projet, intéressant car il montre comment il compte conserver l'ensemble porche-portail-clocher ill.4

 

Cet avant-projet date donc du 26 décembre 1899 et l'église est frappée par la foudre en mars 1900. Pure coïncidence, mais le curé Desquerre y vit peut-être la main de Dieu.

 

Pour autant, seule la toiture est très endommagée, le clocher étant protégé par son paratonnerre.

 

Le conseil municipal, se réunit le 8 avril 1900 en séance extraordinaire. Il souligne que l'église n'a été détruite qu'en partie par un incendie occasionné par la foudre. Le conseil est convié à examiner « les plans et devis qui ont été déjà dressés à cet effet ». Il s'agit très certainement des plans de décembre 1899. Le curé demande à la municipalité « une allocation aussi importante que possible, afin d'arriver, avec la subvention de l'Etat au montant de la dépense totale, nécessitée pour cette reconstruction »[35]. Mais le maire n'est pas convaincu de la nécessité de reconstruire et, surtout, confronté à d'autres urgences dans la commune, sursoit au vote d'une telle dépense, attendant de connaître le montant de la subvention de l'Etat. Le 10 juin le conseil municipal vote un crédit de 371,20 francs pour les réparations nécessaires pour « mettre cet édifice en état de servir au culte catholique jusqu'à ce que la commune dispose de fonds suffisants pour une plus importante restauration ». Il n'est donc pas question d'une reconstruction totale comme le souhaitait le curé Desquerre. Cette décision a le mérite d'avoir incité l'architecte à dessiner le plan et la coupe de l'église telle qu'elle est à ce moment, trois mois après l'incendie ill.5 et 6.

 

Le plan parallélépipédique, à nef unique et à chœur tétragonal, est extrêmement simple, comme d'autre églises voisines notamment l'église romane de Magescq[36]  construite au XIII° siècle. La hauteur moyenne est de 35 mètres. La nef est large d'environ 10 mètres et de 15 mètres au niveau du collatéral ajouté dans les années 1830, la longueur est de 23,90 mètres, le pourtour de 58 mètres. La surface est donc environ de 360 mètres carrés, surface suffisante pour environ sept cent personnes debout [37] . Au XIX° siècle, les architectes se basaient sur les surfaces des églises anciennes pour calculer celle des églises reconstruites, soit une moyenne de 3 mètres carrés par fidèle vu l'encombrement des bancs et la nouvelle importance donnée au chœur réservé à l'office divin [38]. En tous les cas, elles doivent être suffisantes pour recevoir les deux tiers d'une population. On peut donc penser que la paroisse de Léon, avait, lors de l'époque de la construction de son église, soit un nombre très important d'habitants, soit que son église servait à tous les habitants alentours ou encore  recevait tous les paroissiens de l'archipêtré lors des grandes fêtes.

 

Le chevet, à l'est, est à trois pans coupés. Symétriquement, à l'extrémité sud, la tour du clocher est en avancée sur le corps du bâtiment. Sur le dessin de la coupe de l'élévation, on voit que le portail est sur la façade du clocher mais qu'une avancée de plan octogonal forme porche. Traditionnellement, dans le sud-ouest cet espace servait de lieux de réunion aux paroissiens.  Ce porche est ouvert à l'avant par un simple arc brisé, éclairé par deux petites ouvertures sur les côtés. Il semble construit dans le même appareil que le clocher mais, sans la description de l'architecte, on ne peut pas dire si il en est contemporain. Cette tour-clocher est suffisamment originale pour justifier l'attachement du curé qui spécifie bien qu'il doit être préservé de la destruction et intégré à la nouvelle église.

 

 Deux années se passeront avant que la ministère des Cultes et la municipalité de Léon acceptent devis et plans pour une église neuve, construite à l'exact emplacement de l'ancienne. Les produits de la démolition serviront aux fondations et au doublage de certains murs, dans un souci d'économie, ainsi que le préconise les architectes diocésains qui valident les projets. Ce sont les seules « traces » encore existantes de l'ancienne église, le pavé en pierre de Bidache ayant été enlevé et non réutilisé, les pierres tombales qui y étaient insérées ayant disparues. Nous n'avons pas de rapport des fouilles que l'architecte devait faire préalablement à la démolition. Celles-ci n'ont peut-être pas eu lieu car le temps pressait, la séparation de l'Eglise et de l'Etat se préparait et les municipalités savaient que tous travaux ultérieurs seraient à leur charge pleine et entière.  L'achèvement du bâtiment sera retardé par le problème de la conservation de l'ancien clocher. Dans sa lettre du 5 novembre 1902, l'architecte s'oppose à garder l'ancien clocher pour des raisons de sécurité. Le portail du XIV° siècle, qui devait être démonté et replacé sur le nouveau clocher, ne sera finalement pas conservé. La municipalité, pressée par la population et son curé, prend tout de même plusieurs mois pour répondre et annonce, dans sa délibération du 9 août 1903, demander à l'Etat de nouvelles subventions pour couvrir les dépenses.

 

Le projet de la nouvelle église présente trois nefs, pouvant contenir « environ 550 personnes soit un peu plus du quart de la population »[39] en 1901, calcul qui semble minorer celui d'autres architectes mais le chœur à l'est et l'ambon au sud empiètent une grande partie de la surface, de plus les bas-côtés sont relativement étroits. Ce plan offre en fait moins de surface utile que celui de l'ancienne église ill.7 

 

Une photo-carte postale de la fin des années 1880 permet de mieux imaginer l'église d'origine et son nouveau clocher ill .8 . On remarque une emprise du bâtiment sensiblement égale à celle de l'église actuelle.

 

L'histoire de cette reconstruction, son coût réel et l'analyse architecturale de la nouvelle église, feront l'objet d'un autre article pour lequel tous les documents d'archive ne sont pas encore réunis.

 

Les travaux de recherche de la section « histoire de Léon » de l'AFLC se poursuivent afin, entre autres, de répondre aux questions soulevées dans cet article.

 

 

 

Pour l'AFLC et les chercheurs de la section histoire de Léon,

 

Agnès Himeur.     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 



[1]          - Cartulaire de Dax, XI°-XII°siècle, cité par BOYRIE-FENIE Bénédicte. Dictionnaire toponymique des communes des Landes et du Bas-Adour . Institut occitan, Cairn, 2005, p.131.

 

[2]            - www.cassini.ehess.fr, Les ingénieurs et les graveurs

-                        voir aussi la feuille de Léon de la carte Cassini (n°138), dites « Vieux- Boucau », établie entre 1773 et 1784

-                      pour les mots long et long:HONNORAT Simon Jude, Dictionnaire Provencal-français ou dictionnaire de la langue d'oc ancienne et moderne. Ed.Repos, 1847, Digne,Vol,2 E à O. http://books.google.f

-                      pour le mot lon : BOISSIER DE SAUVAGES Pierre Augustin. Dictionnaire                languedocien-français (langue romaine ou de l'ancien languedocien), Nouvelle édition, Alès, 1821, tome 2, p.42.

 

[3]          - Félix GAFFIOT, Dictionnaire abrégé latin-français, Paris

[4]            - http://www.archeolandes.com/cral/articles.php?p9=art16. Article Antiquité,     introduction.

               - Philippe JACQUES. Production de poix à l'époque antique. Site de Petre de Bin,     Vielle-Saint-Girons. Bulletin de Mémoire en Marensin, n°22, 2011, p.123-126.

               - Musée de Sanguinet. Les sites archéologiques du lac de Cazaux-Sanguinet.

 

[5]            - Michel ROBLIN. L'habitat rural dans la vallée de la Garonne...., Revue Géographique des Pyrénées et du Sud-                                               Ouest, 1937, tome 8, p.5. http://www.persee.fr

 

[6]            - Jean THORE. Promenade sur les côtes du golfe de Gascogne..., Bordeaux, 1810. Ce médecin de Dax évoque « le lac de St Léon, vulgairement appelé Lon »...http://google.com , édition originale, p.93

-              Abbé LEGE. Manuscrit de l'abbé Légé, publié en 1824, réédité par le Bulletin de Mémoire en Marensin, hors série, 1995. Il semble que l'abbé Légé ait copié la partie sur Léon dans le cahier du curé Bénétrix ouvert en 1861 (archives paroissiales de  Léon, ADL J.......) en modifiant certains passages.

-              Jean PEYRESBLANQUES. L'étang de Léon et le canal de Huchet en l'an X, Bulletin de la Société de Borda, 1992, 1°tr.

 

[7]            - Bernard-Auguste CAUNA. Armorial des Landes, 3 vol. 1863-1869

[8]            - Cartulaire de la cathédrale de Dax, « Liber Rubeus » (XI°-XII°siècle.), texte édité et annoté par Georges PON et Jean CABANOT. Tome 1, Comité d'études sur l'histoire et l'art de la Gascogne, 2004. Tome 2, L'église et la société dans le diocèse de Dax aux XI° et XII°siècle, journées d'étude sur le Livre Rouge de la cathédrale de Dax (Dax, 1° mai 2003), Dax, Amis des églises anciennes des Landes, Comité d'études sur l'histoire et l'art de la Gascogne, 2004.

[9]            - Le texte du Liber Rubeus étant en latin médiéval, le nom est Sanctus Saturninus de Laon. Saturnin était évêque de Toulouse au IV°siècle (M.G COLIN. Christianisme et peuplement des campagnes entre Gascogne et Pyrénées, IV°-X° siècle, Centre d'archéologie médiévale du Languedoc, 2008 p.21, note 17 et p.49...). Le patronyme de la paroisse est toujours, actuellement en 2018, Saint-Saturnin, ainsi que le confirme l'archiviste du diocèse de Dax, le père Brette. La confusion avec la dédicace Saint- André utilisée actuellement vient sans doute d'une décision du Conseil municipal de Léon qui décida, en septembre 1896, de choisir Saint-André comme saint patron de la commune et imposé la date de la fête votive (le premier dimanche de décembre)[Délibérations 1886-1905, folio 339, archives municipales]

 

[10]          - CH.HIGOUNET. Les chemins de Saint Jacques et les sauvetés de Gascogne, Annales du Midi, 1951, p.304. ww.persee.fr . Autant qu'on puisse en juger c'est en fonction des chemins que les plus anciennes agglomérations rurales, de « la renaissance gasconne des XI° et XII° siècle », se sont généralement établies.

 

[11]          - Michel FRANCOIS, Ch.Edouard PERRIN. Pouillés des Provinces d'Auch, de Narbonne et de Toulouse. Première partie : archevêché d'Auch, p.30 et p.358. Recueil des historiens de la France, Académie des inscriptions et Belles Lettres, t.X Pouillés, 1972. http://archives.org 

 

[12]          - J.B MARQUETTE. La géographie ecclésiastique du diocèse de Dax, Journées d'étude sur le Livre Rouge de la cathédrale de Dax (voir note 8), p.114

[13]          - ANTOINE DEGERT. Le budget d'un évêque de Dax au Moyen Age, Bulletin de la société de Borda, 1906

[14]          - Michel FRANCOIS....Pouillés.... voir note 11

[15]          - Henri TARTIERE. Inventaire sommaire des archives départementales [des Landes] antérieurement à 1790, p.10                                  série B Administration judiciaire.

-                      L'abbé LEGE, dans son ouvrage Les diocèses d'Aire et de Dax ou le département des Landes sous la Révolution, 1789-1803, t.2. www.gallica.fr , énumère les paroisses de l'archiprêtré sous l'Ancien Régime, aboli en 1789, comme s'il contenait toutes les communes de la juridiction.

[16]          - Philippe LOUPES. Les chanoines érudits de l'ancienne France ou le passé recomposé. Faculté des Lettres de l'Université de Porto, 2004. http://ler.letra.up.pt/uploads/ficheros/5001.pdf

[17]          - Monographie paroissiale de Léon, 1861. Archives Départementales des Landes (ADL 16J 28). Le curé Bénétrix y donne la liste de tous les curés et vicaires de la paroisse de 1592 à 1792.

 

[18]          - Serge BRUNET. Les prêtres des campagnes au XVII°siècle. La grande mutation, PUF 2007, n°234. www.cairn.info

[19]          - Pour Dax : J.M DUPOUY. 1569, l'année terrible, épisode des guerres de religion en Chalosse.                                                                                           http://landesenvrac.blogspot.fr

-                      Pour Magescq : Vincent FOIX. La maison Caunègre en Magescq, Bulletin de la Société de Borda,                                                                                                           1895

-                      Patrick CABANEL. Histoire des protestants en France, XVI°s-XXI°siècle, 2012.                                                                     http://books.google.fr

 

[20]       Sébastien HAMEL. Bannis et bannissement à St Quentin aux derniers siècles du Moyen-Age, éditions de la Sorbonne,2003. www.cairn.info- , A.DUBOIS. Journal d'un curé de campagne au XVII°siècle, Presses universitaires du Septentrion, 2008, et http://magenealogie.eklablog.com/histoire-en-vrac, p.7, Louis DESGRAVES. Répertoire es ouvrages de controverse entre catholiques et protestants en France (1598-1685), 2 vol., Droz, Genève, 1984-1985. http://books.google.fr

[21]          - Encyclopédie méthodique de jurisprudence, 1782-1791. http://gallica.bnf.fr ; au sujet de la perprise, article de J.PEUCHET ;au sujet du bannissement et du ban, article de HUE DE MIROSMENIL

[22]          - M.CL. DUVIELLA. La punition du « Marrancin » pour les douaniers luziens dissipés ! Bulletin de Mémoire en Marensin, n°27, 2017

 

[23]          - Monographie paroissiale de Léon, rédigée par le desservant (abbé LEGE) à la demande de Mgr Victor Delannoy (vers 1876-1877). ADL 16J 27, publié par Mémoire en Marensin (voir note 6).

 

[24]          - Archives privées

[25]          - Archives Départementales des Landes, 11 V 47.2

[26]          - ADL, E dépôt 150/ 2 M

[27]          - ADL, E dépôt 150/2 M et Délibérations du conseil municipal 1861 à 1875, folio 150, archives de la Mairie

 

[28]       - Jean-Jacques TAILLENTOU. Histoire du Marensin de l'Antiquité à la Révolution, 2002

[29]          - L.DUFOURCET. L'Aquitaine historique et monumentale, Bulletin de la Société de Borda, avril 1939

 

[30]          - Abbé LEGE. Les diocèses d'Aire et de Dax (voir note 15)

 

[31]          - Ce récit original a été repris deux fois, enjolivé et modifié selon la personnalité de ceux qui s'en sont inspirés (abbé Légé, déjà cité et abbé Barrère- archives privées).

[32]          - Nadine-Josette CHALINE, Jeanine CHARON. La construction des églises paroissiales aux XIX° et XX°siècles, Revue d'histoire de l'Eglise de France, t.73, n°190,1987.www.persee.fr/doc/rhef_0300-90505_1987

[33]          - Cécile MASSIAS. L'architecte Jean-Jules Mondet (1834-1919) et le Sacré-Coeur de Bordeaux. Mémoire de Maîtrise d'Histoire de l'Art Contemporain, direction Michel Saboya, Bordeaux III, 1992.

 

[34]  Revue « l'Aquitaine », 1872, Université de Bordeaux.  http://bnf.fr

[35]          - Nous en aurons la certitude lorsque nous aurons retrouvé les archives du curé Desquerre qui furent sans doute exploitées pour le centenaire de l'église mais égarées depuis. Seul le dessin original de l'avant-projet (archives privées), que nous présentons en annexe, a été conservé ainsi que la photocopie de la description des travaux.

 

[36]          - Délibérations du Conseil municipal, 1886-1905, folio 449, 453,498 à 504, 510, 511. Mairie.

 

[37]          - Auguste BRUTAILS. Note sur l'église de Magescq. Bulletin de la société de Borda, 1924

 

[38]       - N.J.CHALINE. Cité note 32, p37

[39]       - Rapport de l'agent-voyer de l'arrondissement de Dax, 22 mai 1901. Archives privées, document photocopié d'un orignal perdu. (Archives privées)

 

 

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ARTICLE D AGNES HIMEUR DANS la revue MEMOIRE EN MARENSIN
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info au 15.12.2016 sur hISTOIRE DE LEON

LA SECTION HISTOIRE DE LEON
« Enfin, à celui qui parvenait à recueillir certaines informations, un effort plus rude que tout le reste restait à faire : il lui fallait éviter l'exagération en rapportant ce qu'il avait vu et, résistant à l'attrait de l'extraordinaire et du merveilleux, s'attacher à la vérité pour elle-même et ne rien écouter qui s'en écartât. » Polybe, Histoire III, 2,58,9
 Léon ? Quel drôle de nom pour un village ! Vous voulez dire Saint Léon qui, venant de Normandie pour évangéliser les gascons et les basques au x° siècle, aurait emprunté « la voie de l'eau », longeant donc l'océan pour parvenir à Bayonne où il devint évêque.
 Non !Léon tout court ! D'ailleurs, rien n'est historiquement prouvé quant à ce Léon de Carentan dont la légende n'a été écrite qu'au XVème siècle.
 Alors ?
 Alors...De cette interrogation est née l'envie d'explorer le labyrinthe de l'histoire de notre commune
Remontons donc les époques.
Pour les siècles de la protohistoire (du 3ème au 1er millénaire), aucune découverte archéologique à Léon n'a été faite comme à Sanguinet où, dans le lac actuel, ont été trouvés des vestiges d'habitats datant du VIIème au Ier siècle avant JC. Mais rien n'interdit de penser, à la suite des géologues et des archéologues, que tous les lacs de la côte landaise s'étant formés vers le Ier siècle, certains recèlent peut-être d'autres vestiges d'habitats. A Léon, seules des fouilles subaquatiques pourraient nous apporter une réponse.
A partir du Ier siècle av.JC, le territoire appelé par commodité la Gaule est conquis par César, sa limite sud-ouest étant d'une part l'océan, d'autre part les Pyrénées.
Cette période est marquée dans notre région, comme dans toute la Gaule et le bassin méditerranéen, par la présence romaine.
A Léon, la mémoire collective évoque le chemin des Romains, dit aussi camin roumiou (chemin des pélerins) ou camin arriou (chemin fait avec du sable et de la terre) Cette appellation a donc été beaucoup discutée, cependant, on sait maintenant avec certitude que les Romains utilisaient les anciens chemins de communication locaux pour en faire des voies de 20 mètres de large pour le commerce et l'armée romaine. Ces chemins secondaires se divisaient en routes vicinales et en routes privées dont la largeur variait entre 4m et 1,40m. Elles n'étaient pas pavées de larges dalles comme on peut les voir sur les tronçons de voies publiques dans le sud-est de la France mais étaient constituées des levées de terre et de sable, reposant sur un épais soubassement de gravier, bordées de fossés. La voie Aquitaine reliant Bordeaux à Narbonne donnait naissance à de nombreuses voies secondaires dont la voie Bordeaux- Dax- Roncevaux, desservant elle-même d'autres voies et chemins dont une autre voie le long du littoral entre Bordeaux et Dax. Certains chercheurs actuels émettent l'hypothèse
que cette voie terrestre relayait la voie maritime du commerce de cabotage, pratiqué entre Bordeaux et Bayonne dont on sait à l'heure actuelle qu'il existait, les pirogues monoxyles de Sanguinet, par exemple, pouvant naviguer le long de la côte landaise. Des historiens espagnols pensent qu'elles relayaient le commerce antique du golfe de Biscaye, malgré les difficultés pour naviguer dans le golfe de Gascogne. Cette supposition s'appuie sur les découvertes les plus récentes en matière de commerce maritime dans l'antiquité.
Le réseau routier romain était effectivement l'instrument persuasif d'une « romanisation » en douceur, plus efficace que les batailles.
En 1802, un membre de la Société d'Agriculture des Landes indique sur une carte de l'étang de Léon, levée à vue, le tracé supposé d'un chemin romain qui « traversait la place occupée aujourd'hui par l'étang de Léon ». Cette indication, donnée sans doute par les pêcheurs locaux, est relayée textuellement dans un manuscrit confié à notre association par monsieur Barrère. Mais l'auteur y ajoute des précisions qu'il semble tenir lui-même de témoignages oraux : « A deux ou trois cents mètres du bourg de Léon, derrière la maison appelée Menoy, on voyait encore il y a quelques années, les traces d'un large chemin qu'on appelait le chemin des Romains. C'est là probablement que passait le camin roumiou, avant de traverser l'étang. Sur le bord de ce chemin, dit la tradition locale, on voyait une source d'eau abondante sortir d'une souche d'arbre. On y venait de très loin en dévotion[...]. Ce chemin a été détruit il y a quelques années. Mais il existe à Léon encore plusieurs personnes qui l'ont connu... ». Autre indice : dans le document d'archives dit « Manuscrit de l'abbé Légé », on peut lire : « Il n'y a pas longtemps encore, on trouvait, en fouillant les terres, des armures de toutes les époques, des couteaux gaulois ». En 1880, l'auteur d'un dictionnaire géographique mentionne à Léon « les restes d'un temple païen, traces de voie romaine, sépultures antiques ».
Tout ceci reste à prouver mais l'hypothèse d'une occupation du site de Léon par des romains, soldats ou agriculteurs, n'est pas du tout à exclure.
D'autant que le toponyme de Léon est certainement d'origine romaine. Ceci est un indice sûr car il n'y a aucun autre village nommé « Léon » en France. Les rapprochements avec l'origine du nom de la ville espagnole Leon ou avec l'origine du toponyme Londres sont à exclure.
En effet, d'après les linguistes, Léon est une altération, au passage par le gascon (Lon ou Loun), de l'adjectif latin leonanum signifiant « le domaine de Léo », car « l'on sait que les Romains, lors du Cadastre des Gaules, réalisé en l'an VII sur les ordres de l'empereur Auguste, désignèrent les immenses propriétés foncières qui couvraient la plus grande partie de notre pays du nom du propriétaire[...]auquel était adjoint soit le suffixe celto-latin acus, ou plus purement latin anus [décliné anum] ». Léo était seulement un surnom, à l'époque classique, désignant quelqu'un qui prenait la part du lion dans une société. Mais, dans l'Antiquité tardive (milieu IIIéme s.- fin Vème) les surnoms
ont été utilisés comme nom. D'autre part, le prénom Léo n'a été donné qu'au début de notre ère vers le IIIéme s. par les Romains. Or, les Romains organisent Aqua Tarbellica (nom romain de Dax) entre le Ier et le IVème siècle de notre ère ; « elle devient capitale d'un vaste territoire allant à peu près de l'Océan aux Pyrénées, et aux rives de l'Adour ». Cette ville est distante de Léon de seulement 30 km, c'est à dire moins d'une journée de voyage à cheval...
Agnès Himeur
pour l'AFLC
Post-scriptum: je tiens à la disposition des lecteurs les références bibliographiques qui m'ont aidées à écrire ce texte.
L'histoire de Léon se construit petit à petit, au fur et à mesure des réflexions et des découvertes d'archives. Dans le prochain épisode, nous nous intéresserons à l'église.